Pierre GuidoniPierre Guidon

Article paru dans le n° d’hommage de l’OURS publié en juillet 2000 après le décès de Pierre Guidoni.
Pierre a été le cinquième président de l’Office.
Cet homme chaleureux, amical, avec qui nous avions pris grand plaisir à travailler, est décédé le 11 juin 2000. Il avait, comme l’avait écrit Michel Noblecourt dans Le Monde du 15 juin, « mis sa générosité au service de l’OURS ».

Intervenant pour la première fois dans un congrès national du Parti socialiste, en 1965, Pierre Guidoni a développé le pourquoi de son adhésion à la SFIO, et il s’est écrié : « Le socialisme, pour nous, c’était au contraire le retour aux sources, la prise en main du drapeau brandi de génération en génération par les combattants de la classe ouvrière (…) Nous recevions un peu émus, avec la carte du Parti, ce lourd héritage de sang de sueur et de larmes ; l’armée dans laquelle nous nous engagions, c’était celle de la Commune et de Fourmies, celle des grèves et des manifestations, celle de 36 et celle de la Résistance. C’est vrai, camarades, quand on adhère au Parti, on adhère d’abord à un passé. Mais en adhérant à ce passé nous avons senti que nous adhérions à l’histoire . »
Le poids de l’histoire était bien présent, déjà, dans son esprit quand il a adhéré à la SFIO en 1962 avec quelques jeunes camarades. L’histoire est resté présente tout au long de sa vie, notamment au niveau de ses écrits, même quand il liait histoire et théorie - comme dans son essai sur Blanqui, en 1977 -, ou quand il s’intéressait tout spécialement à elle, ainsi quand il a écrit en 1979 son livre, La Cité rouge, consacré au socialisme narbonnais.
Il a dû aussi mesurer le poids de l’histoire quand il est devenu en 1997 le cinquième président de l’OURS, succédant à Claude Fuzier, qui venait de décéder. Je retrouve d’ailleurs dans mes notes prises pendant notre conseil d’administration du 22 avril 1997 ces quelques mots de lui, quand il s’exprimait sur l’OURS et sa mission : « Pas une mission uniquement d’histoire, mais aussi transmettre une doctrine ». La boucle n’en finissait pas de devoir être bouclée.
Aujourd’hui, c’est lui, Pierre Guidoni, qui nous quitte. Décès brutal, qui frappe notre Office.
Comme je l’ai écrit dans recherche socialiste en juin 1999, à l’occasion de notre trentième anniversaire, son arrivée à la tête de l’OURS en 1997 s’inscrivait dans une volonté de nous ouvrir, « en toute conscience et en toute liberté, dans la ligne de ce qui avait été initié depuis quelques mois déjà, et de nous tourner vers la famille socialiste, notre famille, en sachant ce que nous pourrions apporter à cette famille, en sachant aussi que nous serions respectés. » Le nom de Pierre Guidoni - membre de notre conseil d’administration depuis 1996 - s’était imposé à nous. Cela se justifiait pleinement.
Nous n’avons jamais regretté notre choix. Pierre savait d’où nous venions, comprenait ce que nous représentions historiquement.
Intellectuel, il connaissait le rôle de l’écrit : l’OURS devait être davantage encore présent sur le créneau éditorial. Sous son impulsion, nous avons modifié notre mensuel, nous avons édité une revue trimestrielle, recherche socialiste, reprise sous une forme différente et plus moderne des « cahiers » publiés depuis 1969, dont la parution avait été interrompue en 1994. Nous allons lancer dans quelques mois une collection d’ouvrages de synthèse à laquelle il tenait tout particulièrement.
Attaché à la libre confrontation des idées, Pierre a voulu que nous reprenions la tradition des colloques et rencontres sur des thèmes historiques ou non, en liaison avec des partenaires extérieurs, associatifs, universitaires ou politiques. Plusieurs rencontres ont déjà été organisées, dont les actes ont été publiés, ou vont l’être dans les semaines à venir. En décembre 2000, à son initiative, nous allons organiser un colloque à l’occasion du 80e anniversaire du congrès de Tours, en liaison avec les partenaires de la gauche plurielle, pour réfléchir à la situation de la gauche face aux défis du XXe siècle.
Mais cet intellectuel était aussi un militant, à la disposition des camarades qui sollicitaient son concours. Il y a quelques mois encore, par exemple, il avait répondu à l’appel de la fédération socialiste du Nord, pour animer une réunion de formation. Il mettait aussi la main à la pâte. Nous avons travaillé ces dernières semaines avec lui sur un projet qui lui tenait à coeur : lancer une revue de politique internationale, dans une optique socialiste. Il avait veillé à tout, y compris à la maquette de cette revue, dont il avait réalisé la « une ». On l’a vu il y a quelques années en bras de chemise installer lui-même, marteau à la main, dans les couloirs du siège national du Parti socialiste des vieilles affiches socialistes sous cadres que l’OURS avait confiées au Parti pour décorer quelques couloirs. « Décorer » ? Certes, mais pas uniquement, car il entendait aussi, par ce geste, que les camarades comprennent d’où ils viennent, et que leur action quotidienne s’appuie sur des combats du passé. Comme en 1965, comme en 1962. Bref, transmettre !
C’était cela aussi, Pierre Guidoni.
Nous perdons aujourd’hui un président très présent, très actif, tourné vers l’avenir, en ce sens qu’il voulait un OURS présent dans tous les secteurs qui relèvent de son domaine d’activité. Il pensait que l’OURS avait un grand rôle à jouer, et oeuvrait pour son rayonnement : développement de nos archives, et de nos fonds documentaires irremplaçables et uniques, rassemblés depuis 1969 par un travail minutieux de prospection ; développement de nos publications, désormais solidement ancrées dans le paysage éditorial de la famille socialiste ; développement de nos relations avec les milieux politiques et universitaires.
Nous perdons aussi un ami qui, très vite, s’était intégré à l’OURS, lieu de travail dans une chaude fraternité. Un homme délicat, ouvert aux problèmes des autres, ne comptant ni son temps ni son énergie. Un homme élégant, par son allure bien sûr, mais aussi dans son comportement au quotidien.
Un homme d’une grande classe.

Denis Lefebvre

Les personnes intéressées par un historique des trente premières années de l’OURS pourront se reporter au dossier « 30e anniversaire de l’OURS » publié dans le n°7 (juin 1999) de la revue recherche socialiste, éditée par l’Office. On y trouve des articles de Pierre Guidoni, Édouard Boeglin, Guy Bordes, Jacques Fleury, et de moi-même.

>> Retour en haut de page.